Dans l'antre de l'Aile de Sable. ( PV Mirage ( PNJ de Nasharys. ) et Hermine. )

Dit Mirage, amusé.
C'était un acte fort louable, que seul son estomac serait tenté de désapprouver.
L'Aile de Sable rangea méticuleusement le repas dans son emballage, le flattant au passage.


Il balaya ces explications d'un vaste geste de la patte, tout en secouant la tête.

« Oh... Euh... Eh bien... Je... Hermine poussa un petit soupir gêné. Soit... J'accepte... »

Hermine avait dit ses derniers mots sur un ton beaucoup plus bas. Cela n'empêcha pas Harmonie de comprendre que sa Dragonne avait accepté. La petite charognarde commença à pousser des petits gazouillements joyeux. Elle se rapprocha de l'Aile de Glace, et lui caressa le bout du museau. La Dragonne la laissa faire, s'apaisant quelque peu. Hermine tendit ensuite l'une de ses pattes vers le bureau, et Harmonie y grimpa docilement après avoir récupéré sa besace. La petite Aile de Glace déposa sa charognarde sur son épaule, et reporta son attention sur Mirage.

Pour elle, c'était plutôt l'inverse. Étant donné que son métier était plus physique, Hermine passant son temps à courir dans les couloirs ou encore à nettoyer des pièces du palais de fond en comble, elle devait avoir le ventre un minimum plein. La petite Aile de Glace ne tenait pas à s'évanouir à cause de la faim. De plus, son métier ne nécessitait pas vraiment une utilisation prolongée de ses capacités intellectuelles. Avoir le cerveau un peu embrumé n'était donc pas gênant, la plupart des tâches effectuées étant devenues automatiques pour la petite Aile de Glace. Après, Hermine pouvait tout à fait comprendre qu'avoir un cerveau manquant d'énergie pouvait être gênant pour un érudit, un chercheur, ou un scientifique.

Legénie ? Hermine ne connaissait pas ce nom. En même temps, elle ne connaissait pas grand monde en général. Bien sûr, la petite Aile de Glace connaissait le prénom de sa Reine, ceux de ses petits et de certains membres de sa famille, mais elle serait bien embêtée pour nommer les chefs des armées ou les autres Dragons ayant de l'importance pour le Royaume, au moins de les avoir servit auparavant. Si ce Dragon venait d'un autre Royaume, il était logique qu'Hermine ne puisse pas avoir connaissance de son existence.

La servante sortit de ses pensées quand Mirage fit allusion à son envie d'apprendre des choses. A ce moment-là, le regard foncé de l'Aile de Glace s'illumina. Elle hocha la tête quand l'Aile du Sable lui dit qu'il devrait garder certaines informations secrètes, comprenant tout à fait les raisons de cela. Elle ne tenait pas à avoir des ennuis ou à connaître des sujets... disons un peu trop sensibles. Hermine écouta donc avec attention quels étaient les domaines de prédilection de l'érudit. Quelque chose attira son attention. La servante finit par demander :

« Les Ailes de Pluie ? Ils sont à ce point digne d'intérêt ? Je pensais qu'ils n'étaient que des Dragons paresseux partageant leur temps entre leurs siestes solaires et des jeux divers. Enfin... C'est ce que j'ai lu dans certains livres de la bibliothèque. »

Mirage écarquilla les yeux et secoua à nouveau la tête, y portant ses pattes, presque affolé. Pauvres Ailes de Pluie... Ils avaient tant de potentiel qu'ils n'exploitaient qu'ils en étaient réduits à se faire passer pour des incapables ou pire : une race inférieure.


Mirage s'approcha de la plutôt grande carte de Pyrrhia, affichée en plein milieu du mur juste en face du bureau. On pouvait deviner que l'érudit avait punaisé plusieurs endroit, dessiné des itinéraires de plusieurs couleurs, rajouté de lieux - car même le palais d'Été des Ailes de Mer, dont l'emplacement était supposé n'être connu que par ces derniers y était précisément indiqué. Et en reculant, on pouvait aussi remarquer qu'il avait également prolongé la carte sur le mur, en dessinant d'autres îles et toute une multitude d'endroits - marqués de très nombreux points d'interrogation - qui faisaient de la carte du continent quelque chose d'étonnamment plus petit, voire pas impressionnant du tout. L'étrange Aile de Sable pointa une griffe noire et lustrée en bas de la carte en parchemin jauni et froissé.



Mirage s'interrompit. Il s'emballait peut-être un peu. En même temps, il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de partager ses connaissances, surtout depuis qu'il était revenu de la guerre, depuis quelques mois. à ses 13 ans, étudier au royaume de glace pendant des années ne lui avait fait que peu souffrir, le temps était passé vite, les recherches avançaient, la fatigue n'avait d'égal que le désir d'étudier, de connaître plus. Pour que Pyrrhia s'unifie et ne parle plus que d'une seule et même voix ; celle de tous les Ailes de Feu.
L'aile de sable ouvrit ses tiroirs. Il devait bien y traîner quelques parchemins vierges.
Tout en fouillant, il dit à Hermine :


Mirage recoiffa ses oreilles et fit cliqueter ses griffes le long des écailles de son cou - le bruit que cela faisait était tout à fait amusant - et se gratta, un peu confus, à la recherche de ses mots.

Hermine recula d'un pas, surprise de la réaction de l'Aile de Sable. Certes, elle se doutait bien que tout ce qu'elle avait lu dans les livres n'était pas forcément vrai, mais là, c'était l'avis écrit dans plusieurs ouvrages différents. Il devait donc bien y avoir une part de vérité, non ? Elle fut un peu rassurée quand Mirage avoua que la réputation des Ailes de Pluie était en partie fondée. Ah, au moins tout son savoir n'était pas faux ! C'était une bonne chose !

L'Aile de Glace se permit de se rapprocher d'avantage de la carte, histoire de la voir un peu mieux. Dans la bibliothèque, il y avait plusieurs cartes de ce genre, mais la servante ne se lassait jamais de regarder à quoi ressemblait leur île. Parfois, elle s'amusait à imaginer à quoi ressemblait la vie près d'un oasis, ou encore dans le palais sous-marin des Ailes de Mer. Cela permettait à Hermine de s'évader dans ses rêves, étant donné qu'elle ne pouvait pas le faire réellement.

La servante remarqua bien vite que la carte de Mirage était différente de celles présentes à la bibliothèque. L'Aile de Sable y avait ajouté une extension. Il y avait donc d'autres choses à découvrir au-delà de leur île et des îlots appartenant aux Ailes de Mer ? Voilà qui était intéressant ! Hermine n'eut cependant pas le temps de s'attarder sur l'extension de la carte, Mirage reprenant ses explications. La petite Dragonne ferma les yeux, et tâcha d'imaginer les choses décrites par l'Aile de Sable. Elle avait un peu de mal à se représenter la flore de la Forêt, étant donné qu'elle n'était que trop habituée aux sapins de son territoire et aux quelques plantes qui poussaient ça et là, son Royaume de naissance étant trop glacial. A part ça, Hermine n'eut pas vraiment de difficulté pour imaginer la Forêt de Pluie. Il devait vraiment y faire bon vivre, même si l'Aile de Glace ne put s'empêcher de penser que le climat risquait de ne pas du tout de lui convenir si elle décidait de se rendre là-bas un jour.

La petite Aile de Glace rouvrit les yeux quand Mirage arrêta de parler. Elle cligna plusieurs fois des yeux, comme pour les réhabituer à la clarté ambiante, et porta son attention sur l'Aile de Sable qui s'était dirigé vers son bureau. Elle se rapprocha un peu, pour voir si le Dragon trouvait ce qu'il cherchait. Ce n'est que lorsque l'Aile de Sable s'adressa à elle, au sujet du fait de prendre des notes, qu'Hermine prit la parole :

« Oh, ne vous en faites pas pour moi. J'ai une très bonne mémoire. Je n'ai jamais prit de notes, étant donné que les parchemins sont des denrées rares pour moi et ma famille. En fait, mes notes ont toujours été là. En parlant, Hermine avait indiqué sa tête. Bien sûr, il m'arrive d'oublier des choses mais je retiens le plus important, généralement. En tout cas, j'en sais déjà plus que les autres serviteurs... Si seulement cela pouvait me servir à quelque chose pour mon métier. » termina Hermine, avec un petit rire amer.

Cela n'empêcha pas Hermine de tâter l'un des parchemins du bout des griffes. Elle n'en avait jamais vu de semblables. Les siens étaient beaucoup moins épais, et avaient un aspect un peu plus... brut. En tout cas, la différence de qualité était bien visible. Si l'Aile de Glace arrivait à se procurer un support d'une telle qualité un jour, elle n'était même pas sûre de réussir à écrire dessus, de peur de le gâcher avec des rimes hésitantes. Après quelques instants à contempler le parchemin, la servante releva la tête. Plus Mirage parlait et plus Hermine se rendait compte que les livres qu'elle avait lu ne lui avait pas apprit toute la vérité. Cela lui faisait vraiment étrange, même si elle avait prit l'habitude de remettre les livres en question à force d'emmagasiner des connaissances.

« … J'aimerai bien rencontrer ce genre de Dragons... avoua Hermine, pensive. Là-bas, d'après ce que vous dites, il n'y a pas l'air d'avoir des classes ou une hiérarchie comme celle qu'il y a ici. On dirait que tout le monde peut avoir sa chance et trouver sa place, là-bas... C'est... C'est vraiment différent des connaissances que je pensais avoir. Et ne vous inquiétez pas, il en faut beaucoup pour me vexer. Vous ne faites qu'énoncer une vérité, il n'y a pas de mal à ça. Je suis aussi lucide que vous, notre mentalité n'est pas la meilleure qui soit et notre système de vie mériterait un bon dépoussiérage ! »

L'Aile de Sable hocha la tête, rassuré de voir que cette réflexion un peu trop personnelle voire déplacée sur son peuple ne l'aie pas vexée.


Il se rendait compte qu'il n'était finalement pas aussi ennuyeux que ça. D'habitude, ses disciples se contentaient d'attendre en le regardant sans ciller, comme s'ils étaient là, mais endormis à l'intérieur. Tout le monde le respectait et respectait son intelligence, mais il considérait le but de ses recherches comme impossible et se désolait de le voir se vouer à une telle folie. Il faisait des études, mais n'allez pas croire que ce soit pour le plaisir : il s'était forcé à y prendre goût.
Ses passions étaient beaucoup plus mélodieuses et colorées, et lui-même ignorait ses propres goûts tant il se donnait entier à son "destin". Il sentait qu'il devait le faire dans un but bien précis ; comme si cela avait été écrit dans un parchemin prophétique "Un Aile de Sable du nom de Mirage trouvera les secrets de la magie animus et s'en servira pour rétablir la paix dans Pyrrhia où la guerre ne fait que dormir un peu plus longtemps avant de s'éveiller à nouveau."


Mirage avait énormément de sympathie pour ces dragons de pluie. Il ne voulait pas que, si la curiosité les piquait à aller voir à quoi ressembler le monde, hors de leur jungle, les Ailes de Pluie trouvent des clans de dragons qui les méprise et les traite comme des moins que rien, car ce peuple méritait ne méritait pas ça. Il devait être guidés pour s'unifier avec les autres. Il n'était pas moins moins intelligent que les autres.

Hermine savait que ce qu'elle pensait, et venait de dire, lui aurait sûrement valu une bonne correction. Mais ici, l'Aile de Glace se sentait libre de ses pensées et de ses paroles. C'était à la fois agréable, et un peu stressant aussi. La servante craignait que quelqu'un soit en train de les écouter et que ce quelqu'un aille la dénoncer à son supérieur. Hermine tâcha de se calmer. Il n'y avait personne ici, à part Mirage, Harmonie et elle. Tout irait bien, et rien n'arrivait à sa charognarde ou à elle.

La petite Aile de Glace joua quelques instants avec le morceau de cristal de roche brut qui pendait à son cou grâce à une longue chaîne en argent. Le bijou ne devait pas avoir une grande valeur pécuniaire, mais Hermine lui donnait une grande valeur sentimentale en contre-partie. Sa mère lui avait transmis quand elle avait atteint l'âge adulte. D'après Aurore, et la mère de celle-ci qui était l'une des anciennes propriétaires du collier, le cristal était dans leur famille depuis fort longtemps. En fait, personne ne connaissait réellement l'âge de la pierre. Malgré cela, Hermine avait la conviction que son bijou favori avait connu plus de générations de Dragons qu'on ne pouvait le penser.

Hermine arrêta de jouer avec son cristal et reporta entièrement son attention sur Mirage. Vu que la servante ne comptait pas prendre de notes, elle était obligée d'ouvrir grand ses oreilles afin de ne rien rater. Elle essaya de s'imaginer les Ailes de Pluie. Cela devait être impressionnant d'en voir un changer de couleur. La petite Aile de Glace se disait que cela devait être magnifique, ou en tout cas impressionnant !

« Leur... leur venin est si dangereux que ça ? demanda Hermine, en étouffant de justesse l'un de ses bégaiements. Et... Et ils ne l'utilisent que pour savoir s'ils sont de la même famille ? Ça marche vraiment, comme procédé ? »

Bien sûr qu'Hermine connaissait les Dragonnets du Destin ! Elle ne connaissait que leurs noms et leurs exploits, mais cela lui suffisait amplement pour les imaginer ! Mirage avait vraiment rencontré la Reine Gloria ? Il en avait de la chance !

« J'ai entendu parler des Dragonnets du Destin, oui. En même temps, je pense que tout le monde les connaît. » avoua Hermine, sur un ton légèrement amusé et un peu apaisé, pour une fois.

Mirage nota que la dragonne manipulait quelque chose entre ses griffes qu'il n'avait pas vraiment remarqué avant. Un pendentif. Son instinct aurait voulu qu'il aille voir de plus près, Mais cela aurait paru bizarre de s'approcher comme ça si près de la dragonne pour regarder son collier. Il poursuivit ses explications.


Mais les yeux de Mirage ne quittaient plus le petit bout de roche autour du cou de la dragonne. Intrigué, il risqua un pas en avant :


Comme tout dragon qui se respecte, Mirage avait une petite fascination pour les objets brillants. Rien d'obsessionnel bien sûr, juste un trait qu'il avait gardé de ses ancêtres sauvages.

Hermine ne remarqua pas tout de suite l'attention que portait Mirage à son collier. Elle était trop occupée à l'écouter, et frissonna même quand l'Aile de Sable fit mention des dégâts que pouvait occasionner le venin des Ailes de Pluie. Pas de doute, elle avait beaucoup de choses à apprendre, ou à réapprendre dans certains cas. En tout cas, Harmonie sentit sa Dragonne frisonner. Étant toujours installée sur l'épaule de sa Dragonne, la charognarde caressa doucement les écailles de son cou, pour l'apaiser un peu. Hermine esquissa un petit sourire. Parfois, elle se demandait à quoi ressemblerait sa vie, sans présence d'Harmonie. Une chose était sûre, tout serait beaucoup plus morne sans sa petite charognarde. Néanmoins, la petite Aile de Glace dut se concentrer à nouveau sur les propos de Mirage. Elle s'occuperait d'Harmonie un peu plus tard.

« La Nature est bien faite, il semblerait. Nous avons tous les mêmes chances de survie, mais nos moyens sont différents. Certains Dragons crachent le feu, d'autres la glace, certains possèdent du venin, et d'autres n'ont rien de tout cela mais vivent dans des endroits moins accessibles, ce qui garantit leur survie. remarqua Hermine, un peu pensive. Et à côté de cela, nous avons tous des défauts liés à notre Royaume d'origine, ce qui fait que tout le monde à les mêmes chances. Il n'y a pas de déséquilibre. »

La petite Aile de Glace du se retenir de faire un pas en arrière. Elle n'était pas habituée à voir un Dragon aussi proche d'elle. Malgré cela, la servante resta stoïque. Elle n'avait aucune raison de craindre Mirage. Enfin, c'est ce que se disait Hermine pour se raisonner.

La servante fut surprise de la demande de l'Aile de Sable. Elle prit son cristal de roche entre deux de ses griffes, et l'observa quelques instants. Après tout, Mirage n'avait aucune raison de lui voler, elle pouvait bien lui confier quelques instants, ce n'était pas un problème.

« Euh... Bien sûr... Ce... Ce n'est pas un problème. » assura Hermine.

La petite Aile de Glace inclina légèrement la tête, afin de retirer son collier plus facilement. Une fois qu'elle eut retiré la chaîne de son cou, Hermine jeta un dernier regard à sa pierre. Pour mettre un terme à toutes ses hésitations, la servante tendit son unique trésor à Mirage d'un geste qu'elle voulait confiant.

« Le voilà. Je ne vois pas ce que vous y trouvez de si intéressant. C'est un cristal de roche. Il est dans ma famille depuis de nombreuses générations. D'après ce qu'on m'a dit, c'est l'un de mes ancêtres, un dénommé Blizzard, qui l'a offert à sa fille quand celle-ci est devenue adulte. Givre a ensuite transmis le cristal de roche, qui n'était pas encore un collier à l'époque, à l'un de ses enfants, et ainsi de suite. Comme Givre, j'ai reçu ce cristal de roche quand je suis devenue adulte. C'est une tradition, si vous préférez. » expliqua Hermine.

Mirage écoutait attentivement tout en détaillant le petit caillou à travers la lumière du jour. C'était une petite pierre, simple, translucide et don les imperfections naturelles donnait une teinte un peu blanchâtre par endroits. L'Aile de Sable étudia la chaînette. Elle était en argent, brillant.


Tout ce que Mirage avait reçu de sa famille, soit il l'avait perdu, soit la guerre le lui avait arraché. Tout ce qu'il avait pour se souvenir d'elle, c'était sa mémoire et quelques lettres. Son père biologique était enterré sur le champ de bataille. Il savait qu'il y mourrait, et avait demandé à sa compagne d'être heureuse. Mirage avait 8 ans. Depuis, il avait un beau-père, un demi-frère et deux demi-soeurs cadets, encore dragonnets à ce jour. Mais cela faisait trois ans qu'il ne les avait pas vu.
Après un long instant de rêvasserie, Mirage se ressaisit.

C'est avec une certaine appréhension qu'Hermine observa l'Aile de Sable manipuler son trésor. Elle se doutait bien que son cristal de roche en avait vu des pires, il n'était pas exclu que certains de ses ancêtres se soient montrés plus négligents qu'elle, mais pourtant la servante craignait toujours de l'abîmer ou que quelqu'un d'autre ne l'abîme.

« C'est mon seul trésor, enfin, le seul trésor de ma famille en réalité. Je ne peux pas me permettre de l'abîmer ou de le perdre. Hermine marqua une pause. C'est presque rassurant de l'avoir avec moi, en réalité. Vous savez, dans ma famille, nous vouons une grande importance à nos ancêtres. Même si nous ne connaissons pas leurs noms à tous, nous faisons en sorte de leur rendre hommage en pensant à eux. Cela leur permet de vivre encore un peu, de ne pas mourir définitivement à cause de l'oubli. »

Ce qu'Hermine ne disait pas, c'est que sa famille possédait une sorte de petit autel, dans la pièce principale de leur masure. Il était rudimentaire, certes, mais à chaque solstice, Aurore prenait le soin de brûler un petit morceau de parchemin sur lequel était inscrit un vœu ou une prière. Hermine l'aidait toujours, enfin, depuis le moment où elle avait pu comprendre la portée de ce geste. C'était leur moyen de demander de la protection aux Dragons ayant quitté ce monde il y a fort longtemps, de continuer à faire vivre leur mémoire, et de toujours garder une trace de leur lignage, de ne pas oublier le passé de la famille en général. Hermine se souvenait très bien du moment où son frère était partit à la guerre pour la première fois. Leur mère n'avait pas attendu le solstice pour brûler un morceau de parchemin. Le soir-même où elle avait su que son fils partait pour ne peut-être jamais revenir, Aurore avait demandé à leurs ancêtres de protéger Stalactite. Et Stalactite était revenu, blessé, mais vivant. Hermine ne savait pas si leurs ancêtres avaient quelque chose à voir là-dedans, mais une chose était sûre, elle continuerait le petit rituel que sa famille avait, ne serais-ce pour ne pas oublier d'où elle venait.

« C'est possible, et si je n'ai pas de fille, je le transmettrai à mon fils pour qu'il puisse en faire cadeau à l'une de ses descendantes. Ainsi vont les choses. » déclara Hermine.

La petite Aile de Glace remercia Mirage d'un petit mouvement de tête, et récupéra son pendentif. Elle le remit délicatement autour de son cou, et prit quelques instants pour l'ajuster convenablement. Une fois cela fait, la servante arrêta de toucher à son collier. Elle resta silencieuse pendant encore une ou deux minutes, et finit par dire sur un ton légèrement pessimiste :

« Je n'ai pas encore de raisons de penser à ces choses-là. Ce collier risque plus de se retrouver entre les pattes d'une de mes nièces, ou petite-nièce, qu'autour du cou d'une de mes filles ou descendantes. »

Mirage se dressa de toute sa hauteur et fit un pas en arrière.
Il ne voyait pas vraiment pourquoi elle prenait cet air si terne en disant cela. Ce n'était pas une mauvaise chose. Tant qu'il y ait une descendance de sa famille, sa mémoire ne serait jamais perdue.


L'Aile de Sable crut comprendre ce qui la gênait ; ce devait être sa singularité colorée. Mais il n'y avait pourtant pas de quoi complexer autant ! Après tout, les autres membres de sa famille qui avait hérité de cette drôle de variante avaient pu assurer une descendance. Autrement, Hermine ne serait pas là.

Mirage pensa à nouveau à sa famille, lointaine. Il se demandait si ses frères et soeurs sur souvenaient encore de lui après tout ce temps passé à enterrer les corps sur les champs de batailles et à errer entre les royaume, criant la paix à tue-tête sans que presque aucune oreille ne l'entende.
Même accaparé par son travail, il ne cessait de penser à eux, et surtout à sa mère.
Il fut soudain pris d'une nostalgie qui alourdit sa poitrine comme s'il avait avalé une grosse pierre très dense.
Son chez-lui lui manquait. Le sable chaud, l'or des paysage, la chaleur du soleil, sa famille, ses amis...
Il frissonna, faisant face à une vérité qui ne le gênait pas plus que cela auparavant : il était tout seul, dans un royaume glacé et anémié, se tuant à la tâche pour quelque chose de complètement insensé.
Il serra doucement ses ailes contre son corps pour se donner chaud, l'air un peu absent.

Hermine ne put s'empêcher de poser l'une de ses pattes avant au niveau de son cou, masquant ainsi quelques unes de ses écailles disgracieuses. Sa patte se crispa quand Mirage reprit la parole, si fort que si la servante n'avait pas eu des écailles à cet endroit-là, elle aurait profondément ancré ses griffes dans sa chair. C'était si simple à dire... Tellement simple. Si seulement il savait... S'il savait réellement pourquoi elle avait dit cela...
Ses écailles roses avaient été le début de ses malheurs. Quand elle était plus jeune, elle ne s'en rendait pas compte, comme tous les petits. Ce n'est qu'avec le temps qu'elle commença à comprendre. Ses écailles avaient été la première raison de l'exclure. Comme sa mère, sa grand-mère, et d'autres Dragons et Dragonnes avant elles, Hermine était devenue le mouton noir du voisinage. L'oméga de la meute, si ce n'est que personne ne lui donnait de coups physiques pour ne pas éveiller les soupçons. Uniquement des attaques mentales. Celles qui ne laissent pas de trace, si ce n'est des bleus et des blessures à l'âme. Avec les bégaiements qu'Hermine avait développé par la suite à cause de la crainte qu'elle avait de ses semblables, rien ne s'était arrangé. Et si aujourd'hui Hermine ne bégayait plus qu'en cas de stress,  auparavant c'était à chaque fois qu'elle parlait. Le seul moyen que sa mère avait trouvé pour calmer, c'était de lui apprendre à lire, de la forcer à se concentrer sur ses paroles pour ne pas en perdre le contrôle.

Le temps avait passé, et Hermine s'était fait à sa solitude. Elle passait son temps à la bibliothèque, s'évadant dans les livres ou en écrivant des poèmes. Elle avait raté son test, sûrement à cause de son manque de confiance en elle. Elle était devenue une esclave, ni plus ni moins. Aujourd'hui, elle entendait encore les moqueries de certains Dragons, mais elle n'y faisait même plus attention. Hermine n'avait plus la force de pleurer, de gémir ou de se plaindre. Parfois, la petite Aile de Glace avait l'impression qu'on avait plongé son âme dans l'eau gelée, et que paralysée par le froid, son esprit ne faisait plus rien, ne tentait plus rien pour se protéger. Hermine aurait pu se venger, après tout elle n'avait rien à perdre, mais elle n'avait jamais osé. Elle ne voulait pas attirer le déshonneur sur ses parents. Ils n'avaient rien fait pour mériter cela. La vengeance n'arrangerait pas les affaires de sa famille, c'était certain. Comment Hermine pouvait faire pour penser sereinement au futur alors qu'elle n'était même pas en paix avec son passé ?


Harmonie n'en croyait pas ses yeux ! Voilà que sa Dragonne et le grand Dragon étaient tout les deux absents ! La petite charognarde passa l'une de ses pattes dans les poils roux sombre qu'elle avait sur la tête.  Qu'est-ce qui leur prenait ? La petite créature joua quelques instants avec l'une de ses mèches, se demandant ce qu'elle pouvait faire. Attirer leur attention ? Pourquoi pas, Harmonie était d'ailleurs très douée pour ça. La petite charognarde arrêta de jouer avec sa mèche, et tapota gentiment les écailles de sa Dragonne. Celle-ci sortit de ses pensées, et secoua la tête avant d'enfin accorder un peu d'attention à sa charognarde. Et de une, plus que le grand Dragon ! Harmonie poussa un petit couinement, et montra de sa patte gantée le bureau. Hermine consentit à la déposer sur le meuble, tout de même un peu étonnée du comportement de sa charognarde.

La petite créature regarda autour d'elle. Il devait bien y avoir quelque chose d'intéressant ici ! Pendant son observation, Harmonie remarqua qu'un tiroir était resté entrouvert. Intriguée, elle s'en rapprocha, mais ne put regarder à l'intérieur. L'ouverture n'était pas assez grande pour la laisser passer. Harmonie s'assit donc sur le bureau, et glissa ses jambes dans l'ouverture. Elle les plaqua contre le côté intérieur du tiroir, et poussa de toutes ses forces. Il lui fallut un petit moment pour arriver au résultat escompté.

Jugeant l'ouverture assez grande, Harmonie arrêta de pousser le tiroir et se faufila à l'intérieur. Il y faisait sombre, et la petite charognarde y tâtonna un moment, craignant de trébucher sur quelque chose ou de se blesser. C'est alors qu'un objet attira son attention. Il s'agissait d'un long tube de bois, qui possédait des trous à certains endroits. Une flûte ? C'était bien la dernière chose qu'Harmonie s'attendait ici. Elle avait déjà vu des Dragons musiciens, et une chose était sûre, ils prenaient un grand soin de leurs instruments. Aucun n'aurait l'idée de laisser traîner son instrument préféré au fond d'un tiroir !

Harmonie se rapprocha de la flûte, et la frôlant de sa patte droite. Le bois était poussiéreux, et la petite charognarde doutait que l'instrument soit encore utilisable, du moins, sans un bon nettoyage. La poussière était à ce point présente sur l'objet, qu'Harmonie finit par éternuer. Le tiroir se mit alors à bouger, ce qui désarçonna la charognarde. Celle-ci poussa un petit couinement, et leva la tête. Sa Dragonne était là. Elle semblait paniquée.

« Harmonie ! Je te quitte des yeux quelques instants, et toi, tu en profites pour disparaître ! Tu vas bien ?! »

Hermine prit délicatement sa charognarde dans l'une de ses pattes et l'observa sous toutes les coutures. Voyant que tout allait bien, si ce n'est que sa petite créature était pleine de poussière, la servante entreprit de la nettoyer un peu. Elle passa délicatement son autre patte sur les vêtements et les poils de sa charognarde, ce qui fit couiner de mécontentement cette dernière. Hermine poussa un petit soupir, et posa Harmonie sur son épaule. Elle jeta un coup d’œil dans le tiroir, comme pour s'assurer que sa petite créature n'y avait rien perdu ou oublié, et remarqua la flûte. L'instrument semblait avoir été nettoyé en partie. Intriguée, Hermine prit délicatement l'objet, afin de l'observer de plus près. Effectivement, on aurait dit que quelqu'un avait commencé à le nettoyer. Était-ce le fait d'Harmonie ? C'était plus que probable.

Tiré de sa rêverie par l'agitation de la petite charognarde, Mirage se ressaisit. Il se tourna vers son bureau, près duquel Hermine époussetait Harmonie l'ai un peu inquiète, l'inspectant sous toutes les coutures pour voir si elle ne s'était pas blessée.
Il regarda la scène sans dire un mot, jusqu'à ce qu'Hermine plonge sa main dans un tiroir béant pour y dénicher quelque chose qu'elle détailla des yeux, prenant toutes les précautions du monde.
Il s'agissait là d'une flûte, d'un souvenir. Très petite et très fine, en bois rouge-orangeâtre foncé, gravé et verni, incrustée petits coquillages blancs et de petits fil de cuir qui ornaient le bec. Un bel objet en somme.
Mirage pencha la tête et fit un pas en avant. Cet instrument était pour lui presque une relique qui venait tout droit des temps sanglants de la guerre. Il se rappelait parfaitement qui la lui avait donnée. Quelqu'un dont le souvenir s'était étouffé au fil des ans, une promesse oubliée.
L'Aile de Sable adressa un regard mi-stupéfait mi-fasciné à la charognarde. Comment une si petite chose pouvait bien avoir pu être à l'origine d'une telle réminiscence... Elles avaient un don pour dégotter de objets perdus ou précieux. L'Oeil d'Onyx en était un exemple.
Il s'approcha davantage d'Hermine, l'air soudain encore plus sérieux qu'il ne l'avait déjà, et désigna la flûte du bout de la griffe.


Demanda-t-il, avec une expression indéchiffrable. Un mélange de nostalgie, de peur, et aussi d'exaltation.
Cette flûte avait sa petite histoire. Aussi son ex-propriétaire. Histoire qui datait de la guerre...
Comment Mirage avait pu les oublier, toutes les deux ? avec les tragédies des derniers mois, il n'était même pas sûr qu'elle soit encore vivante...

Il prit alors conscience qu'en retournant poursuivre ses recherches sur la magie animus, il avait laissé derrière lui une douzaines de dragons pleins d'espoirs qui l'attendaient encore aux quatre coins de Pyrrhia. Il avait fait trop de promesses qu'il ne pouvait pas encore tenir. La fin de la guerre n'avait pas mis fin à tous ses devoirs. Pourtant, ses études actuelles n'étaient pas un prétexte pour les fuir, c'était aussi l'objectif de sa vie.
Il avait trop de choses à faire, et peut-être pas assez de temps. Non, ce qui lui manquait, c'était de l'aide. Avancer seul était moins efficace qu'entouré d'amis ou de collègues.
Le dragon de sable porta une patte patte à sa gueule et déglutit, tout en tendant son autre patte à Hermine pour qu'elle lui remette l'instrument entre les griffes.

Sur l'épaule d'Hermine, Harmonie boudait. Les bras croisés sur sa poitrine, elle semblait en vouloir à sa Dragonne d'avoir interrompu son exploration et de l'avoir traitée comme un bébé de son espèce incapable de se débrouiller seul. La servante jeta un regard à sa petite créature adorée, et poussa un discret soupir. Elle n'avait pas voulu vexer Harmonie, au contraire. C'était juste qu'elle avait paniqué en voyant que sa petite charognarde avait disparu, et qu'elle craignait qu'il lui soit arrivé malheur. Il y avait tant de choses anodines pour les Dragons mais qui pouvaient être dangereuses pour les charognards...

« … Harmonie... Ne fais pas cette tête... murmura Hermine. J'étais juste très inquiète... »

La petite Aile de Glace savait très bien que sa charognarde ne la comprenait pas quand elle parlait, mais elle avait remarqué qu'Harmonie comprenait ses intonations. Hermine se demandait même parfois si sa petite créature ne saisissait pas certains sons. Même si cela pouvait sembler totalement impossible pour des Dragons n'ayant jamais vu un charognard, la servante avait envie d'y croire. Après tout, Harmonie était capable de fabriquer des objets ou de quoi se protéger. Pourquoi ne pourrait-elle pas saisir certains mots ou sons prononcés par les Dragons, surtout que cela faisait un moment qu'elle vivait parmi eux ?

Harmonie accorda un peu d'attention à sa Dragonne, puis décroisa les bras. Cela ne l'empêcha pas de garder sa moue boudeuse, mais la servante s'abstint de faire un nouveau commentaire. C'était déjà mieux, et elle ne voulait pas que sa petite créature se remette à bouder réellement.

Quand Mirage s'approcha et lui accorda un regard, la charognarde cessa immédiatement de bouder. Elle était bien trop intéressée par ce qui était en train de se passer pour continuer à remuer ses sombres pensées. En plus, Harmonie avait réussit sa mission ! Les deux Dragons étaient enfin redevenus eux-même !

« Oui, bien sûr... Elle vous appartient, après tout. »

Hermine déposa délicatement l'instrument de musique dans la patte de son propriétaire. Pour mieux voir ce qui était en train de se passer, Harmonie entreprit de grimper sur la tête de sa Dragonne. Pour cela, elle utilisa ce qu'Hermine portait autour du cou, ainsi que certain de ses piquants. Une fois sur le crâne de la servante, la petite charognarde s'installa entre ses cornes, prenant le soin de ne pas se blesser avec les longs piquants que sa Dragonne avait derrière la tête. De là, il lui était possible de voir tout ce qui était en train de se passer.

Non sans délicatesse, Mirage saisit la petite flûte et fit quelques pas en arrière, se tournant en direction de la fenêtre pour bénéficier de la lumière du jour, et s'accorder quelques minutes intimes avec cet objet resurgi du passé. Passé qui n'était pas si lointain finalement, pourtant la poussière lui donnait l'air d'une vieille relique. Il observa la flûte d'un oeil expert, étudiant chaque petit trou, du pavillon jusqu'à l'embouchure, attardant son regard sur les petits coquillages blancs semblables à des grains de café.
Après quelque minutes, L'Aile de Sable se rendit compte qu'Hermine était encore là, et qu'elle devait probablement s'ennuyer, à ne rien faire, la leçon interrompue. Et surtout, elle devait bien se demander ce que faisait une flûte à l'allure aussi exotique dans un bureau d'érudit.
Il décida donc de prendre la parole.


Expliqua-t-il, l'air attristé, le regard toujours posé sur cette jolie petite flûte.

Hermine observa Mirage quelques instants, se gardant bien de parler. Elle ne tenait pas à se montrer impolie. De plus, le fait de rester silencieux était d'ailleurs assez fréquent pour les Dragons de son rang. Certains membres des plus importants cercles ne leur adressaient même pas la parole. Certains craignaient même de tomber malade en les touchant. Hermine vouait un profond dégoût à ce genre de nobles. Si certains étaient des Dragons éclairés, qui acceptait sans mal de discuter avec des Dragons d'un rang inférieur au leur pour peu que la conversation soit intéressante, pour d'autres c'était l'exact opposé. Pourtant, c'était les serviteurs qui les nourrissaient. Si un jour ils décidaient d'arrêter de travailler, très peu de nobles ou de membres de la famille royale seraient capables de se débrouiller seuls. Ils étaient bien trop habitués au confort pour savoir encore chasser eux-même ou faire le ménage. Hermine retint un soupir, et agita un peu ses oreilles, les crocs serrés. Chez elle, il s'agissait d'un signe de colère. Ils travaillaient, s'usaient le dos et les ailes, s'épuisaient à la tâche... Ils se tuaient à petit feu pour des Dragons qui, dans certains cas, ne faisaient rien de leur journée ou qui ne connaissaient même pas l'ampleur du travail des petites gens ! Si tous les Dragons adultes refaisaient le test, Hermine serait bien curieuse du résultat ! Les Dragons des cercles supérieurs ne seraient peut-être même plus capables de faire la moitié de ce que faisaient ceux qui les servaient !

Harmonie poussa un petit couinement et caressa l'oreille droite de sa Dragonne. Celle-ci la laissa faire, agitant toujours ses oreilles de temps à autre. Au bout d'un moment, Hermine se détendit. Elle desserra progressivement ses mâchoires, puis arrêta d'agiter ses oreilles. Sa petite charognarde se mit à gazouiller, et continua de caresser l'oreille de l'Aile de Glace. Maintenant apaisée, Hermine pouvait penser plus calmement. Si les choses devaient bouger, cela ne devrait pas se faire par la violence. Au contraire, il fallait prouver par le calme et l'intelligence qu'il y avait un problème et qu'il y avait des solutions. Mais Hermine n'avait pas la moindre idée de comment faire. Il fallait qu'elle se renseigne. Le savoir que lui transmettrait Mirage lui serait certainement très utile.  Triompher par la non-violence, voilà un but qui pouvait sembler impossible. Pourtant Hermine avait envie d'y croire, ne serais-ce que quelques instants. Rêver un peu ne pouvait pas faire de mal, non ?

C'est alors que Mirage reprit la parole. La petite Aile de Glace l'écouta attentivement, s'étonnant mentalement du fait que l'autre Dragon se soit trouvé sur des champs de bataille, ou en tout cas avec des Dragons s'étant battu. En même temps, avec la guerre, beaucoup de Dragons s'étaient retrouvés à combattre même si ce n'était pas leur vocation première. Hermine ne poussa pas sa réflexion plus loin. Sur un ton calme, elle demanda :

« … Il n'y a pas de registres, dans votre Royaume ? Chez nous, il y en a tout un tas. Un pour répertorier les naissances, un autre pour les morts, un qui recense les Dragons des différents cercles, et j'en passe. On peut savoir à n'importe quel moment l'état d'un Dragon. Pour l'armée, les supérieurs poussent même ce principe encore plus loin. Chaque soldat a une sorte de fiche sur laquelle on inscrit toutes ses blessures, ses faits d'armes, et d'autres choses. Mon frère a ramené la sienne à la maison, une fois. C'est vraiment très précis, ils avaient même noté la récompense qu'il avait obtenu pour avoir sauvé l'un de ses supérieur lors d'un assaut. Si des registres de ce genre existent chez vous ou ailleurs, il suffirait d'une lettre pour savoir si votre amie est toujours vivante. Si c'est le cas, vous pourriez peut-être même quitter ces terres glaciales pour retrouver un peu de chaleur, et votre camarade où qu'elle soit. »

Expliqua Mirage, en hochant parfois la tête comme pour insister sur les qualités de ladite Chavire.
Il contourna Hermine et alla se saisir d'un tissu doux pour essuyer la flûte. Même cela, il le faisait d'une technique particulière avec un chiffon particulier pour ne pas l'abîmer. Brisant à nouveau le silence, il continua à expliquer :

Alors que Mirage parlait de son amie Aile de Mer, Hermine décida de s'asseoir. En restant debout, la servante craignait que son équilibre ne soit pas parfait et que cela augmente le risque de chute pour Harmonie. Assise, la petite Aile de Glace pensait que cela éviterait à sa charognarde de se blesser gravement. Cela ne sembla pas déranger Harmonie, qui continua de caresser l'oreille de sa Dragonne dans le plus grand des calmes. Hermine la laissa faire, accordant toute son attention à Mirage et à ses propos. L'Aile de Sable semblait avoir beaucoup d'estime pour Chavire. C'était vraiment dommage qu'il n'ait pas essayé de la retrouver, ou juste de savoir si elle était toujours vivante. Hermine attendit poliment que l'Aile de Sable termine de parler. Quand ce fut le cas, la petite Aile de Glace déclara :

« Vous savez, rien n'est encore perdu. Si votre amie est aussi sage que vous sembler le penser, elle comprendra très certainement les raisons qui vous ont poussé à ne pas avoir reprit contact à elle, et ce même si la guerre est à présent terminée. Surtout que Chavire est aussi une chercheuse, ou en tout cas une experte en poissons. Elle comprendra sûrement que vous ayez été prit par vos recherches, cela a du lui arriver par le passé. Hermine marqua une pause, puis reprit. Je suis flattée de savoir qu'elle et moi avons des ressemblances, selon vous. Sincèrement flattée. »

Mirage hocha lentement la tête. Il se sentait tout de même coupable de ne pas l'avoir recontacté. Un an... E le temps semblait s'être étiré pendant la guerre, où les jours paraissaient des de semaines et les semaines paraissaient des mois.


Dit-il en se gratta la nuque, grave.
Il releva la tête et adressa un sourire à Hermine.


Le grand Aile de Sable jeta un oeil à la fenêtre. Le soleil avait grimpé bien haut. Il était pressé ou quoi ?


Déclara Mirage, droit comme un i.

Hermine espérait sincèrement que Dérive était toujours en vie. Mirage tenait à cette Dragonne, et ça suffisait à la petite Aile de Glace pour croire au fait qu'elle était toujours vivante, quelque part. La servante dut s'empêcher de soupirer, attristée. Son frère avait raison, elle était la honte de leur famille... Elle ne ferait pas de mal à une mouche et s'inquiétait même du bien-être de Dragons de d'autres espèces qu'elle ne connaissait même pas... C'était pathétique...

« … Ce que je vais dire va peut-être vous sembler déplacé mais... Vous savez, nous ne vivons qu'une fois. Vous qui pouvez quitter ce Royaume, voyager, faites-le tant que vos ailes vous permettent encore de voler. Vos recherches sont importantes pour vous, je le sais. déclara Hermine, en indiquant les parchemins qui se trouvaient dans la pièce. Mais vous devez profiter de votre vie. Retrouvez vos amis, je suis sûre que vous en avez beaucoup. Les recherches sont importantes, prendre du repos l'est tout autant. Les choses que vous étudiez ne risquent pas de s'envoler... Euh... Enfin... Je présume... Euh... Hermine porta sa patte à son cou au niveau de ses écailles roses. Oubliez ce que je viens de dire... Je... Hermine poussa un petit soupir. C'était déplacé... Veuillez m'excuser... »

Hermine sentit le sang lui monter aux joues. Si ses écailles n'étaient pas si épaisses... La servante ne préférait même pas y penser... Parler trop librement n'était pas dans ses habitudes, et c'était bien la première fois depuis fort longtemps que ses bégaiements avaient décidé de ne pas l'importuner. Si en plus on lui faisait un compliment... C'était totalement nouveau pour elle... Et... Assez agréable en réalité.

« Ne vous inquiétez pas pour moi, les doutes qui vous animent sont tout à fait légitimes. La seule gêne que je ressens... C'est que j'en sais beaucoup sur vous et votre amie mais que vous ne connaissez rien, ou presque, de moi... Si ce n'est que j'ai un frère soldat, mon cercle... En disant cela, Hermine avait indiqué les sept anneaux présents autour de son cou. Et que j'apprécie beaucoup les charognards. Hermine marqua une pause, prenant le temps de s'assurer qu'Harmonie se portait toujours bien, puis reprit. Après réflexion, cela n'est pas le plus important. Je suis ici pour apprendre, et cela prendra autant de temps que cela est nécessaire. »

Quand Mirage jeta un regard par la fenêtre, Hermine ne put s'empêcher de l'imiter. La petite Aile de Glace fut surprise et déçue à la fois en remarquant que le soleil était déjà au moins au milieu de sa course, sûrement plus. De plus, le cours était terminé pour aujourd'hui... La servante se consola en se disant que même si Mirage avait des choses à faire, elle avait encore le temps d'aller profiter de ce qui restait de sa journée de repos avec Harmonie. Cela leur ferait du bien de se détendre un peu.

« Je suis en repos aujourd'hui. avoua Hermine. Je vais aller me promener un peu avec Harmonie. Elle a besoin de se dégourdir les pattes loin des Dragons. Pour ce qui est de notre prochain cours... Hélas, je n'ai plus de repos avant au moins deux semaines, peut-être plus si l'on a besoin de moi. déclara la servante après avoir fait le compte dans ses pensées. Si vous voulez vraiment me voir un jour... Enfin, si cela est votre souhait, je... Bref, si vous voulez me voir, demandez à ma supérieure. Elle s'appelle Brume, et elle se trouve tout le temps dans son bureau, au-dessus du dortoir des serviteurs. Si vous ne savez pas où se trouve cet endroit, demandez à n'importe lequel de mes collègues, nous sommes très facilement reconnaissables avec nos anneaux, ils sauront vous renseigner. Brume sait toujours où nous sommes. Si vous voulez me voir, elle enverra quelqu'un me chercher ou bien elle vous dira où je me trouve. »

Hermine se tut quelques instants, le temps d'installer convenablement Harmonie sur son épaule. Une fois cela fait, la petite Aile de Glace se sentit obligée de préciser autre chose sur un ton hésitant. Visiblement, elle semblait dérangée par quelque chose :

« … Brume est une Dragonne particulière. Ne faites pas attention à ce qu'elle raconte ou aux sous-entendus qu'elle emploie. C'est... C'est juste un conseil... Vous risquez d'être surpris sinon... »

Attentif, Mirage hocha la tête.
Ce n'était pas un tort de profiter de la vie, de retrouver ses amis et sa famille. Cependant, ça ne serait pas comme ça qu'il arriverait à accomplir le destin qu'il s'était lui-même tracé, à savoir éradiquer la violence de Pyrrhia, que la guerre avait affaiblie et dont les plaies encore béantes saignaient à grands flots de regrets, de rancoeur, d'amertume sur un fond de tristesse infini.
Mirage avait vu trop de visages défiguré par la douleur et pourtant, alors qu'il ne laissait transparaître que son calme et sa fausse sérénité, le désespoir avait peint ses joues de larmes. De larmes comme de sang.
Ses recherches, autant sur les coutumes des autres races que sur la magie animus avaient pour but d'empêcher ces douleurs de resurgir. D'empêcher de nouvelles guerre de naître et d'empêcher les dragons de s'entretuer par incompréhension. A côté de ça, le bien-être passait en dernière ligne.


Mirage balaya vite le sujet en secouant la tête. Il ne voulait pas en dire trop, secret professionnel.


Mirage crut qu'Hermine allait bégayer à nouveau, mais elle se rattrapa vite.


Interrogea Mirage, en penchant légèrement la tête, piqué par la curiosité.

Hermine fut soulagée en apprenant que ce qu'elle venait de dire n'était pas déplacé. Elle savait qu'elle était mal placée pour donner des conseils, en même temps qui écouterait ce que disait une membre du septième cercle ? Elle ne mangeait même pas à sa faim, ne dormait que quelques heures par nuit, et passait son temps à travailler pour espérer s'en sortir. Rien de bien glorieux en somme. Certains avaient essayé de fuir cette condition, mais personne ne savait ce qu'ils étaient devenus. Hermine se demandait même s'ils avaient réellement quitté le Royaume ou s'ils n'étaient pas juste devenus des solitaires en espérant qu'on ne les rechercherait pas. En tout cas, aucun des fuyards n'était revenu ici.

De temps en temps, la petite Aile de Glace rêvait de faire de même. Partir. Loin, très loin pour que personne ne puisse la retrouver. Qu'elle puisse enfin faire ce que bon lui semble sans les regards désapprobateurs ou moqueurs des autres Dragons de sa caste ou des autres. Hélas, c'était impossible. Pas à cause de la guerre, grâce à son métier Hermine ne l'avait vue que de très loin et par les récits des soldats qui revenaient du front, mais parce qu'elle ne voulait pas abandonner ses parents ou les couvrir de honte. De plus, que ferait-elle une fois seule ? Ou irait-elle ? Aucun autre Royaume ne voudrait d'elle, c'était certain. Elle serait plus une vagabonde qu'autre chose...

Hermine finit par chasser cette idée de son esprit. Elle y repenserait plus tard, une fois seule avec Harmonie. Pour l'instant elle était encore en compagnie de Mirage et ne voulait pas lui paraître impolie juste en lui donnant l'impression d'être perdue dans une quelconque rêverie. La servante écouta le plus attentivement possible ce que disait l'Aile de Sable, ne pouvant s'empêcher de se demander pourquoi Mirage était considéré comme un fou par d'autres. Elle ne fit cependant pas part de sa question à l'intéressé, jugeant qu'il ne souhaitait pas parler de ce sujet.

« … A chacun sa vie et ses buts respectifs... répéta Hermine. Vous avez raison. »

La petite Aile de Glace n'ajouta rien de plus. Si seulement elle pouvait avoir un autre but que survivre ou d'éviter à Harmonie un quelconque malheur... Elle aurait bien voulu être utile autrement qu'en nettoyant le sol après le passage des nobles de ces lieux ou qu'en les servant comme la loyale domestique qu'elle devrait être... Mais bon aussi intelligente qu'elle pouvait être, et encore Hermine avait parfois des doutes sur l'étendu de son intelligence, cela ne lui servait à rien. Elle était du septième cercle et n'avait pas le droit de donner son avis ou d'être utile autrement qu'en faisant le ménage et les repas.

Quand Mirage demanda pourquoi Brume était si particulière, Hermine retint un soupir et porta à nouveau l'une de ses pattes au niveau des écailles roses qui parcouraient son cou. Sa supérieure avait apprit à vivre avec les coutumes officieuses que subissaient les serviteurs Ailes de Glace. Elle en était à ce point habituée qui lui arrivait d'en parler sans en ressentir la moindre once d'effroi ou de pitié. Comment lui en vouloir ? La Dragonne était en service depuis tant d'années qu'à force la plupart des malheurs des Dragons de sa caste ne l'atteignait même plus. Brume avait connu bien pire que ce qui pouvait parfois se produire.

« Oh... Eh bien... Disons qu'elle parle très librement du quotidien des serviteurs... Et nous ne faisons pas que servir et faire le ménage... » avoua Hermine, aussi calmement que possible.

La petite Aile de Glace espérait que cela suffirait à Mirage, qu'il n'essayerait pas d'en savoir plus. Hermine n'en dirait pas plus, de toute manière. Les nobles pouvaient faire ce qu'ils voulaient d'eux. Les membres des derniers cercles ne valaient rien, leur perte ou leur mise à mal ne signifiait pas grand chose. Heureusement, Hermine n'avait encore jamais subit les '' services '' comme les appelaient Brume. Ses écailles roses devaient rebuter les nobles à l'approcher. Pour une fois qu'elles étaient utiles.

« Je ferai mieux d'y aller, à présent. » déclara Hermine.

Hermine inclina la tête dans la direction de Mirage. Elle tourna ensuite les talons, et se dirigea vers la porte. Plus tôt elle partirait, mieux se serait. La servante ne voulait pas importuner l'Aile de Sable plus longtemps, surtout qu'il avait du travail.

Mirage n'eut pas besoin d'en entendre plus pour comprendre de quelles genre de "services" à rendre les serviteurs étaient incombés. Ces services étaient si honteux que les dragons en faisaient toujours un secret. Le pire, c'est que les serviteurs subissaient ça dans n'importe quel royaume. Peut-être pas à la même fréquence, mais il y en avait toujours. Mirage se souvint d'un épisode que Chavire lui avait raconté. Il espérait que cela n'était pas arrivé à Hermine, car elle ne le méritait pas. Non, personne ne méritait ça. Mais à la réflexion, il ne s'en faisait pas trop pour elle, si elle disait que ses écailles fantaisistes avaient le don de repousser les dragons de sa race comme elle le pensait, elle ne devait pas avoir trop à craindre.
L'Aile de Sable fronça ses sourcils écailleux et ferma la yeux un instant en affichant une mine désolée.


L'érudit guida à nouveau Hermine vers la porte, comme vingt-quatre heures plus tôt, et lui poussa gentiment le dos de son aile dorée une fois arrivés au seuil.


S'exclama-t-il joyeusement en affichant un large sourire.

Hermine haussa les épaules en voyant que l'Aile de Sable avait comprit. Ce n'était pas de sa faute, il n'avait pas être désolé pour cela. Les serviteurs s’accommodaient de cette situation depuis des siècles, voire des millénaires. Personne n'avait levé la griffe pour arrêter ce genre de violence, ou alors chacun de ce genre d'essai s'étaient terminés par des échecs rapidement oubliés par la suite. Rien ne semblait pouvoir bouger dans cette société... A croire que de solides chaînes retenaient tout le bon sens et toute la compassion de la famille royale ou de leurs conseillers... Et personne ne pourrait changer cela... Personne.

Une fois de plus perdue dans ses pensées plus ou moins mornes, Hermine se retint de justesse de sursauter et de pousser un petit cri en sentant l'aile de Mirage dans son dos. Elle esquissa un pauvre sourire, redressa un peu la tête, puis déclara assez distinctement :

« A bientôt, oui. J'ai hâte de reprendre nos cours, je peux vous l'assurer. J'espère que vous pourrez aussi m'en apprendre d'avantage sur les autres Peuples de Pyrrhia. Après tout, il n'y a pas que sur les Ailes de Pluie qu'il va falloir me faire découvrir ou comprendre certaines choses. »

Hermine finit par se mettre en marche. Arrivée au milieu du couloir, elle s'arrêta pour adresser un petit signe hésitant de la patte à Mirage en guise de dernier salut. Elle ne savait pas quand ils allaient se revoir, mais le plus tôt serait le mieux. Au bout de quelques instants, la servante cessa de saluer l'Aile de Sable et s'en alla. Il lui fallut un moment pour quitter le palais et rejoindre son endroit favori, celui dans lequel elle passait la plupart ses journées de repos.

Il s'agissait d'un endroit en marge du palais. Un endroit où, comme dans beaucoup d'endroits du Royaume, il y avait de la neige à perte de vue. La seule chose qui brisait ce délicat manteau blanc, c'était un fin ruisseau, l'un des plus petits bras d'une rivière qui descendait des Monts Enneigés proches du palais et qui allait se jeter les Dieux savent où. Hermine s'installa donc près du cours d'eau. Harmonie en profita pour descendre de son dos et profita pour boire un peu. Hermine la surveilla tout du long, craignait qu'elle tombe dans le ruisseau en se désaltérant.

Heureusement, rien ne se produisit et la petite créature finit par s'en aller de son côté pour se promener un peu. Cependant, Harmonie resta à une distance respectable de sa Dragonne. Ainsi, elle pouvait toujours appeler à l'aide en cas de problème, ou bien l'entendre quand il serait temps de partir. De plus, trop s'éloigner d'Hermine pourrait faire croire à un potentiel Dragon de passage qu'elle n'était qu'une proie, et Harmonie ne tenait pas à finir dans l'estomac d'un congénère de sa protectrice !

Tout en observant sa charognarde explorer les environs, Hermine réfléchissait. Ses pensées au sujet de la condition des serviteurs lui revenaient déjà, alors que la petite Aile de Glace aurait voulu les oublier. A quoi bon ressasser cela, si Brume ne pouvait rien faire, que pouvait bien l'une de ses employées ? Hermine poussa un petit soupir. Si personne ne bousculait les convenances, rien ne serais fait, c'était certain... Et si... Non, la petite Aile de Glace ne voulait même pas y penser...



« Eh, la Demi-Aile de Pluie ! On a besoin de toi pour servir quelqu'un ! »

Hermine se retourna en entendant la voix rauque du chef de cuisine. Celui-ci lui indiqua un plateau du menton. Dessus, il y avait plusieurs récipients contenant plusieurs types de soupes froides. La servante pencha un peu la tête sur un côté, étonnée. Elle se rapprocha du plateau puis demanda :

« A qui dois-je l'apporter ?
- Tu sais lire, non ? Pour une fois, ça va te servir. » grogna l'autre Dragon.

La petite Aile de Glace ne fit pas de commentaire. Elle déplia le morceau de parchemin qui se trouvait sur le plateau, prit connaissance de ce qui était inscrit dessus, avant de le refermer et de le reposer à sa place. Hermine se saisit ensuite du plateau et quitta les cuisines, ne souhaitant pas rester un instant de plus avec le chef de cuisine. Elle ne savait pas comment cela était possible, mais ce Dragon était toujours de mauvaise humeur ! A croire qu'il avait été éduqué par des Ailes de Nuit !

Hermine secoua la tête. Non, elle ne devait pas parler ainsi. Mirage lui avait bien apprit que tous les Dragons étaient égaux et qu'ils avaient tous des sentiments. Les Ailes de Nuit n'étaient pas forcément plus grognons que les autres, même si on ne pouvait leur ôter une certaine fierté. La servante s'étonna elle-même. C'était bien la première fois qu'elle ne jugeait pas ce genre de Dragon. La petite Dragonne émit un petit rire, qu'elle cacha immédiatement de peur que quelqu'un ne l'entende. Comprenant qu'il n'y avait personne, Hermine poussa un petit soupir soulagé. Si son rire avait disparu, un petit sourire s'était immiscé sur son museau. Cela lui arrivait de plus en plus souvent, de sourire. Bien sûr, elle préférait le cacher aux autres serviteurs, mais au fond, Hermine se sentait assez bien. En tout cas, beaucoup mieux qu'avant.

De plus, ses bégaiements avaient de plus en plus tendance à disparaître. Hermine faisait tout pour ça. Dès qu'elle le pouvait, elle se retirait loin des siens pour réciter des poèmes. Parfois c'était les siens, parfois c'était ceux qu'elle trouvait dans certains livres. Cela lui permettait en plus de travailler sur son art, Hermine ne pouvait qu'être satisfaite de ses progrès, quels qu'ils soient ! Peut-être même qu'un jour, elle aurait le courage de réciter certaines de ses créations à Mirage. Qui sait, il pourrait peut-être l'aider à s'améliorer.

Mirage... Hermine le côtoyait depuis maintenant presque deux mois. Dès qu'ils le pouvaient, les deux Dragons se retrouvaient. Cela donnait lieu à des cours magistraux, ou alors l'Aile de Sable passait un moment à étudier Harmonie. A moins que se ne soit Harmonie qui passait une bonne partie de son temps à observer Mirage, Hermine n'arrivait pas à déterminer qui était le plus observé dans l'histoire.

Hermine finit par arriver devant la porte de l'appartement du Dragon qu'elle devait servir. La petite Aile de Glace prit une grande inspiration, effaçant le sourire de son museau. Elle vérifia qu'Harmonie était toujours installée sur sa selle, et non pas sur le sol en train de la suivre, puis frappa plusieurs fois à la porte. Au bout d'un moment, on lui demanda d'entrer. La servante poussa donc la porte, et se faufila à l'intérieur.

Mirage hocha la tête et répondit à son salut par un signe de la patte, avant de refermer la porte derrière lui. Il écouta un instant le silence, et inspira à fond.
Il était à nouveau seul dans ses quartier et, non pas que la compagnie d'Hermine n'allait pas lui manquer, il était bien content de pouvoir se remettre à travailler sur la magie.
Ses yeux se posèrent sur la flûte.
L'Aile de Sable rejoignit son bureau pour l'étudier une nouvelle fois de plus près. C'était un si joli objet, en bois tendre rougeâtre somptueusement orné, avec ses éclats de nacre et ses coquillages.
Mirage souffla dedans. Cela fit un bruit horrible et une gerbe de poussière s'expulsa du pavillon.
Il recommença une fois et dégagea ce qui restait de poussière. Cela lui prit bien une demi-heure.
Si son travail ne l'avait pas rattrapé, il en aurait joué, mais il avait trop à faire.
Il rouvrit le tiroir dans lequel Harmonie, la malicieuse charognarde d'Hermine, l'avait trouvée.
Une pensée stoppa net son geste alors qu'il déposait l'instrument au fond de la boîte.
Pourquoi la remettre ici, si c'était pour l'oublier et que la poussière ne s'y dépose une fois de plus ?
Mirage ferma le tiroir, la flûte toujours en main, et jeta un oeil à ses murs. il devait bien y avoir un crochet pour l'afficher quelque part. Il repéra une étagère de livres cloutée. Ici, ce serait très bien. Ça égayerait un peu la pièce. La seul chose qui donnait de la couleur à cet endroit était celle des parchemins et un cactus qu'il avait ramené du désert - malheureusement, il était devenu tout gris et fripé, congelé sur place.

Mirage contempla le pipeau, l'air satisfait, et piocha dans les tas de parchemins avant de s'y plonger.
Actuellement, il se penchait sur un dragon qui avait marqué l'histoire il y a près de deux milles ans ; Spectral, un Aile de Nuit animus qui s'était effroyablement puissant. De ce que l'on sait, il afvait affrimé avoir trouvé l'immortalité - et Mirage avait le sentiment que ce dragon n'était pas si bête et qu'il était bien possible qu'il soit parvenu à devenir immortel. Il en était même persuadé. Ceci dit, s'il était encore vivant, où se trouvait-il maintenant ? Et pourquoi n'a-t-on jamais plus entendu parlé de lui après ? Des récits évoquent Percevague, un Aile de Mer animus, qui aurait enchanté un objet pour mettre Spectral hors d'état de nuire ; Mirage se demandait alors s'il s'était agi d'une arme qui avait pu le tuer au final, ou si un autre tour, comme une paralysie, ou encore une amnésie, avait pu pacifier le puissant dragon.
L'Érudit était fasciné par cette histoire, et doutait de la véridicité des récits que l'on trouvait. Cet épisode était souvent présenté comme une légende, ou écrit à la façon d'un conte. Il n'y avait pas de point de vue objectif et les parchemins résumait plus histoire d'un méchant dragon de nuit surpuissant. Mais cette histoire était une vraie part d'histoire. Cela s'était produit, et la crainte l'avait ensevelie sous des tonnes de pierres.
La vérité devait se cacher dessous, mais Mirage n'avait aucun moyen d'en savoir plus.

Après de nombreuses étude de textes qui lui prirent l'après-midi entier, il remarqua que les lunes s'étaient levées, radieuses.
L'Aile de Sable se gratta le front et posa sa plume, glissa ses marque-pages dans les livres et se promit une nuit de repos malgré ses troubles.
Le sommeil refusa de l'enlacer un long moment, les pensées étreignant déjà l'esprit de l'érudit.
Par quel moyen Spectral avait-il pu se rendre immortel ? Avait-il réellement perdu l'esprit à force d'abuser de son pouvoir ? Les récits ne le marquait pas toujours comme un véritable fou furieux, il semblait être le même du début à la fin. Alors comment avait-il fait pour utiliser ses pouvoirs sans perdre la tête ? C'était la question que Mirage se posait, et qu'il voulait résoudre. Car si l'on pouvait utiliser l'utiliser sans se consumer, ce serait un énorme progrès dans la maîtrise de la magie. Il faudrait la concentrer en une source utilisable...
C'est sur cette dernière réflexion que Mirage s'endormit, les poings serrés comme un dragonnet.

Deux mois s'écoulèrent, et le dragon de sable continuait à donner des cours à Hermine quand celle-ci avait le temps. Avec la petite aile de glace, il n'avait pas l'impression de perdre son temps. En réalité, il exauçait son voeu de répandre la sagesse et la compréhension des autres peuples : il lui avait appris que les Ailes de Boue grandissaient en fratrie qui restait unie même adulte, dirigée par un l'aîné de la couvée que l'on appelait le Grand-Aile, il lui avait aussi parlé des Ailes de Mer, dont la Reine avait eu plus de trente oeufs jusqu'ici et que leurs bandes lumineuses leurs servaient à communiquer sous l'eau, dans la langue de l'aquatic, ou encore des Ailes de Nuit qui vivaient sur une île volcanique qui semblait avoir été jadis aussi luxuriante que la forêt de pluie, c'est pourquoi ce clan rescapé s'y était installé. Toutes sortes de choses que les dragons ignorent les uns des autres et qui pouvaient changer la perception restrictive du monde que devait avoir Hermine.
Cette dernière semblait boire ses paroles et était très motivée par l'envie d'apprendre. Mirage ne pensait pas se tromper quand il se disait qu'elle devait être heureuse d'être ici. Cela devait briser son quotidien monotone et difficile.

L'érudit travaillait toujours beaucoup, et il travaillait mieux. Il prenait un peu de temps pour lui, suivant les conseils d'Hermine qui lui avait déjà dit de profiter de la vie. Elle n'avait pas tort; car d'un côté, il était plus efficace lorsqu'il était heureux, et il ne servait à rien de travailler à s'en rendre malade.
Il n'envoyait plus de lettres uniquement à Six-Griffes ; il avait décidé d'en écrire une à sa mère et après un air de flûte, avait pensé à Chavire, qu'il avait abandonné. Il ne savait pas où elle se trouvait, mais peut-être la reine Corail le savait-elle ? Mirage était tenté de lui envoyer une lettre pour le lui demander, mais elle devait probablement avoir d'autres poissons-chats à fouetter, et sa boîte aux lettres devait déborder... Mais, après tout, ça ne coûtait rien d'essayer. C'est sûrement ce qu'Hermine lui aurait dit.

Levé de bonne heure, Mirage s'attabla à son bureau et saisit sa plume, entamant un récit courtois à envoyer à sa Majesté la Reine des Ailes de Mer, en quête de sa chère amie Chavire.